Projet d'amélioration de séchoirs de fèves de cacao SAMOAN au Cameroun
Historique
Le groupe Ingénieurs Sans Frontières - Paris IV a mené, depuis plusieurs années, des projets Sud avec l'ONG Tech-Dev. En février 2013, nous avons ainsi été sollicités par notre partenaire dans le cadre d'un simple projet d'étude sur des séchoirs de fèves de cacao utilisés au Cameroun. Le but était de réaliser un exercice de recherche et de synthèse sur les différents moyens, envisageables dans le contexte de la région concernée, d'amélioration ces séchoirs par rapport aux différents défauts qui nous avaient été signalés. Malgré les difficultés pour progresser au début, notamment à cause d'un manque d'informations, nous avons été en mesure de fournir des propositions en octobre 2013, grâce aux mesures effectuées par une stagiaire d'AGRO-PME (une fondation camerounaise avec laquelle nous sommes en contact), et à l'aide d'un ingénieur retraité.
C'est en février 2014, soit un an après le début du projet, que Tech-Dev nous a parlé de la pertinence d'effectuer une campagne de mesures sur place. En effet, les choses se sont accélérées du côté du Cameroun et des séchoirs test sont en cours de construction. Cette mission sera effectuée en août 2014 par deux membres de l'association, avec pour objectif et donc de mesurer les performance de ces séchoirs.
Contexte
De l'industrie cacaoyère au Cameroun
L'introduction du cacao au Cameroun date de 1886. Parmi les pays producteurs-exportateurs de cacao en fèves, le Cameroun occupe la 5ème place mondiale et la 4ème sur le plan africain. L'exportation de fèves de cacao représente l'un des postes les plus importants de la balance commerciale du Cameroun1. La cacaoculture s'étend sur environ 425 000 hectares. Le Centre, le Sud, l'Est, le Littoral, le Sud-ouest, et l'Ouest sont les 7 régions (sur 10) où se cultive le cacao. Le Cameroun produit essentiellement un hybride descendant des variétés Trinitario, Forastero et Criollo. Il est réputé pour sa forte teneur en beurre et sa couleur « brun rougeâtre » appréciées par l'industrie du cacao7.
Les conditions agro-écologiques offrent de nombreux atouts pour la production du cacao au Cameroun :
- Le pays dispose d'énormes surfaces arables, agrémentées d'un climat favorable ;
- La qualité intrinsèque du cacao appréciée sur les marchés, notamment pour sa couleur rouge brique ;
- La bonne teneur en beurre (55 à 57 %) appréciée par les industriels ;
- Le sol volcanique, noir et riche en humus, ayant une faible teneur en métaux lourds, apporte une très bonne acidité, une amertume, et un goût corsé prisé par les chocolatiers.
Après une longue période de léthargie au cours des années 90, on a noté ces 10 dernières années une reprise de la croissance de la production stimulée par la bonne tenue des cours sur le marché international et une forte croissance de la consommation mondiale des fèves. À la campagne 2012-2013, la production nationale se situait à 230 000 tonnes. L'objectif fixé par le Gouvernement est d'atteindre 350 000 tonnes en 2015 et 600 000 tonnes en 20202. Actuellement le cacao représente 2 % du PIB national, 6 % du PIB primaire et environ 30 % du PIB du sous-secteur des produits agricoles destinés à l'exportation et à la transformation5.
Cependant, depuis quelque temps, des griefs se multiplient sur le compte du cacao d'origine camerounaise :
- Le goût de fumée lié au séchage des fèves sur les fours à bois non conformes3 ;
- Le risque de contamination des fèves par des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) à cause de la pratique de séchage sur la route bitumée (procédé interdit, les HAP étant fortement cancérigènes)4 ;
- Le non respect des délais et mode de fermentation des fèves (7 jours recommandés) ;
- Séchage non conforme ;
- etc.
Ainsi, l'avenir économique du petit et moyen producteur devient problématique si des mesures correctives efficaces ne sont pas envisagées dans le court terme. Le principal acheteur du cacao en provenance du Cameroun, l'Union Européenne (~ 84 % des exportations vers le marché européen), a mis en vigueur dès le 1er avril 2013 son règlement UE n° 835/2011 du 19 août 20116 qui ne tolère aucun écart sur la qualité de cacao. Autrement dit, si les choses en restaient là, le cacao camerounais perdrait sa compétitivité sur le marché international.
Il convient de relever que 30 à 40 % de la production camerounaise proviennent des régions à haut risque pour la contamination par les HAP et le goût de fumée (le Bassin de production comprenant les régions du Littoral et du Sud-Ouest). Dans cette zone, la grande période de récolte coïncide avec la saison des pluies obligeant les producteurs à recourir aux séchoirs à bois pour le séchage des fèves avant la commercialisation.
Le principal défi du pays sur la qualité et la compétitivité sur le marché est de produire du cacao respectant les normes établies en matière de résidus de pesticides, d'ochratoxine A, et de HAP.
Description des séchoirs SAMOAN
Les séchoirs SAMOAN ont été installés, pour la plupart, en 2002 et 2003. Il s'agissait d'un programme axé sur la qualité et la sécurité du cacao financé par l'UE, visant essentiellement la région du sud-ouest du Cameroun (cette zone représente environ 30 % de la production nationale de cacao). Près de 2 500 séchoirs SAMOAN ont été construits. Différents acteurs ont été identifiés (AFVP, CIMAR...) Le présent projet d'amélioration du séchoir SAMOAN est un projet qui entre dans le cadre de la politique du gouvernement camerounais d'amélioration de la qualité du cacao camerounais.
Ce type de séchoirs présente de nombreux avantages :
- Une capacité importante : plusieurs kilogrammes de produits peuvent être séchés par un séchoir ;
- Le séchage ne nécessite pas la présence du soleil : le séchage peut se faire de jour comme de nuit, le séchage peut se faire même en période de pluies ;
- Le séchoir est facile à mettre en œuvre dans la mesure où il est de fabrication facile et il est fait avec les matériaux locaux et facilement disponibles (seule la buse en acier est importée) ;
- Le séchoir utilise comme source d'énergie le bois disponible dans la zone ;
- Il permet d'avoir le taux d'humidité voulu pendant un temps plus court qu'avec le séchage solaire.
Ces séchoirs posent malheureusement aussi de nombreux problèmes à l'usage dans les zones où ils sont exploités :
- Le séchage se fait pendant un temps plus ou moins long ; la fin du séchage est le plus souvent jugée manuellement en frottant les fèves sèches entre elles et c'est le bruit produit qui permet de juger si le séchage peut être arrêté. La conséquence peut être une consommation non optimale du bois ;
- Le phénomène de retour de la fumée : celui s'explique par le fait que la fumée produite n'est pas totalement évacuée à travers la cheminée, une partie est refoulée et sort par l'orifice d'alimentation du bois. Une partie de cette fumée entre en contact avec les fèves ;
- Les perforations observées au niveau des buses du séchoir : elles entraînent un passage de la fumée à travers les orifices avec pour conséquence un dépôt de fumées sur les fèves ;
- La source d'énergie : les opérateurs utilisent le plus souvent des troncs morts d'hévéa qui est un bois qui consume en produisant assez de fumées avec des substances cancérigènes et dangereuses ;
- Les pertes de chaleur au niveau du séchoir : le séchoir n'est pas thermiquement isolé, par conséquent une partie de la chaleur produite et qui arrive à la paroi se dissipe à travers le mur ;
- Les chutes de brisures de cacao : les brisures passent le plus souvent à travers les nattes de séchage et par percussion avec la buse créent des étincelles qui peuvent aboutir à leur combustion et, éventuellement, à un incendie (des cas d'incendies ont, semble-t-il, été observés).
De ces différentes dérives, se dégagent des constats qui peuvent être orientés suivant trois axes :
- La qualité du produit : risque de teneur élevée en HAP, humidité résiduelle des fèves plus ou moins élevée ;
- La performance du séchoir : perte de chaleur, consommation excessive de bois ;
- Sécurité : risque d'incendie.